Un monde parfait
Vendredi 6 mars
Samedi dernier, double page « Idées » dans Le Monde : « Les années 1970-1980, âge d’or de la pédophilie. » Un dossier accablant pour toute l’élite intello-médiatique de l’époque – sauf Le Monde, figure-toi.
En 15 000 signes denses, le quotidien ne trouve pas de mots assez durs pour condamner cette perversion criminelle qui passait alors, s’indigne-t-il, pour une pratique sexuelle « alternative » ».
Dans un étonnant exercice de name dropping, il livre à la vindicte mondaine des listes d’apologistes de la pédophilie, mais pas n’importe lesquels : essentiellement des personnalités disparues, ainsi que deux ou trois publications marginales de l’époque (Recherches, la revue introuvable de Félix Guattari, ou l’improbable journal maoïste Tout !…)
Ainsi Le Monde se croit-il dispensé de mettre en cause les autres pédophilophiles de l’époque : ceux qui sont toujours vivants et en activité, à commencer par lui-même. Un seul exemple, mais qui vaut son pesant de faux-culterie : évoquant une fameuse pétition de 1977 pour la libération de pédophiles emprisonnés, le journaliste livre complaisamment les passages les plus croustillants du texte, ainsi que 20 signataires. Il oublie juste de mentionner où cet appel douteux est paru : à sa une !
Apparemment, le texte incriminé serait de la plume de Gabriel Matzneff. Il faut dire qu’à l’époque, M le Maudit était dans les petits papiers du Monde, par Sollers et Josyane Savigneau interposés – jusqu’à ce que le journal lui ouvre directement ses colonnes, de 1977 à 1982.
Quarante ans plus tard, le même Monde découvre soudain avec horreur que son poulain a « soutenu l’insoutenable », voire « célébré l’incélébrable »… Que dire de ce « quotidien-de-référence » qui condamne aujourd’hui des crimes et délits dont il fut naguère complice, juste parce que c’était tendance ? Qu’il devrait être définitivement déconsidéré. Il ne l’est pas. C’est toute une époque, comme disait ma grand-mère.
Pour la prochaine fois, je propose au Monde un dossier accablant sur le thème « 1972-1977 : les zélateurs français des criminels khmers rouges ». Et si jamais ils manquent d’illustrations, je leur suggère leur propre une du 18 avril 1975 : « Atmosphère de liesse dans Phnom Penh libérée ».
Basile de Koch – 17 avril 20