Boualem Sansal pour Atlantico : « Jean-Luc Mélenchon déteste la France (…) Il n’y aura pas de 6e République, et s’il y en une elle sera islamique ou semi islamique… ce qu’elle est déjà un peu »
Atlantico : Un certain nombre de figures politiques de confession musulmane ou de culture arabo-musulmane ont préféré ne pas dénoncer l’antisémitisme depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas sur Israël. Comment l’expliquer ? Peut-on parler de faute politique ?
Boualem Sansal : Il n’y a pas d’électrons libres dans la communauté musulmane, encore moins à ce niveau de représentation. Ces personnalités sont toutes d’une manière ou d’une autre liées à des organisations islamiques nationales et/ou étrangères, ou des Etats, Leur silence signifie qu’elles n’ont pas reçu l’autorisation de s’exprimer et les éléments de langage afférents ou qu’on leur a demandé de ne pas intervenir à chaud dans l’arène. Le mini drame entre le recteur de la Grande Mosquée de Paris et un de ses imams, qui contestait la véracité du nombre d’actes antisémites depuis le 7 octobre, qui a ridiculisé la Grande Mosquée de Paris et au-delà sa tutelle l’Algérie, est sans doute pour quelque chose dans la réserve observée. Il faut dire qu’il est difficile de se positionner et d’intervenir dans le débat public tant la situation est explosive. On observe que le gouvernement français, à commencer par Macron lui-même, s’exprime de manière très précautionneuse, en disant tout et son contraire pour plaire à tous et calmer le jeu. Le conseil « Dans le doute abstiens-toi », a beaucoup d’adeptes en ce moment. Je trouve cela bête car ils peuvent se voir appliquer l’autre formule « Qui ne dit rien consent ». Le mieux est donc de parler quitte à dire qu’on ne sait que penser tant la situation est complexe. Appeler à la prudence est un classique en politique pour être présent et ne rien dire.
(…)
Jean-Luc Mélenchon cultive-t-il le vote musulman ? Peut-on parler d’une tentative de “hold-up” du leader de la France Insoumise sur l’électorat musulman ?
(…) Mélenchon déteste la France, il méprise tout le monde et n’a d’yeux que pour lui-même et de rêve que celui d’exploser la France pour, espère-t-il, apparaître comme le recours. Quelque part il est très gaullien, sans l’envergure de l’ombre du Général. Il vit dans le passé, dans le rêve et la forfanterie. Il faut le lui dire, le régime de la France restera ce que la 5e république a voulu qu’il soit. Il n’y aura pas de 6erépublique, et s’il y en une elle sera ou islamique, ce qui signera la mort de la France, ou semi islamique ce qu’elle est déjà un peu, qui n’inquiète guère en haut lieu, l’essentiel est que Colombey-les-deux-Eglises reste Colombey-les-deux-Eglises, à tout le moins, Colombey-la-dernière-Eglise. (…)
Les Québécois, savent que lorsque la religion prend trop de place des pans entiers de la population y perdent leur raison. Pendant plus d’un demi-siècle ils ont déconfessionnalisé l’éducation nationale et la politique sans que la tradition judéo-chrétienne ne perde ses repères mais voici que les islamistes font parler d’eux à grands coups de publicité victimaire culpabilisant au passage les Québécois et toute la société d’accueil.
Le contre-courant de l’islamisme, c’est de militer en faveur de la laïcité par Mahfoudh Messaoudene* Dans un essai intitulé : Fenêtre sur l’islam, Ses musulmans, Ses islamistes, Ferid Racim Chikhi*, nous livre un travail de recherche et de réflexion large et audacieux. Des explications et des points de vue en réponse à des questionnements complexes concernant la religion musulmane.
De l’Orient vers l’Occident en passant par l’Afrique du Nord, l’idéologie islamiste se propage, au fil des quarante dernières années, d’une façon aussi inquiétante que déroutante. Afin de mieux éclairer un phénomène déstabilisant, souvent ambigu et mal compris, l’auteur a mis la focale sur les sources et les symptômes du problème. Il a exposé des faits historiques et des éléments analytiques pour orienter le lecteur sur une problématique qui suscite inquiétudes et perturbations dans les vies individuelles et collectives. La laïcité et la citoyenneté sont parmi les sujets essentiels qu’il s’est engagé à défendre dans sa société d’accueil le Québec après s’y être impliqué en Algérie pour éclairer un débat qui peine à s’installer dans la lucidité et la liberté. Ferid Racim Chikhi a quitté l’Algérie depuis une vingtaine d’années pour s’installer au Québec avec sa famille. Il s’est mobilisé dans l’Association Québécoise des Nord-Africains pour la Laïcité (AQNAL) avec d’autres militants pour prévenir les Québécois sur le danger de l’islamisme, parcours qui a conduit à l’écriture de cet essai. Dans le préambule, l’auteur précise que son livre est destiné particulièrement aux Québécois qu’il veut aider à faire une distinction entre les nombreuses confusions, informations erronées et autres fausses explications venant soit des médias occidentaux culpabilisés par la séquence coloniale soit des organisations internationales infiltrées par le lobbysme islamiste.
Son passage à l’Assemblée nationale du Québec d’abord à titre individuel ensuite comme représentant du Rassemblement pour la Laïcité et enfin en tant que membre d’AQNAL, où ses études sur la question des accommodements religieux ont été assumé comme un engagement citoyen.
Se battre contre l’islamisme et soulever en même temps la problématique de l’appréhension de la religion musulmane dans la société est, en effet, un grand défi sociétal à la base de la construction d’une collectivité qui doit respecter, intégrer et se protéger. Par ses interventions lucides et sans complaisance, l’auteur a interpellé les élus sur les risques d’un amalgame qui a toujours joué en faveur d’activistes qui instrumentalisent les accommodements raisonnables à savoir les islamistes et les candidats au parlement qui se cherchent des votes d’obédience communautaire. Position délicate car il faut faire avancer le débat en dénonçant les intentions de ceux qui cultivent les conduites victimaires, en cassant les tabous négateurs d’échanges adultes et loyaux et, dans le même élan, en luttant contre la stigmatisation et en faisant la distinction entre l’islam et l’islamisme.
Cet essai est sans doute un cas d’école nécessitant une attention particulière. C’est un dictionnaire de bonne vulgarisation qui donne des définitions et explications de concepts galvaudés par les polémiques à travers une approche sociologique, philosophique, historique mais aussi religieuse pour chacune des thématiques et des points nodaux qui structurent et irriguent l’islam politique.
En fait, cet ouvrage est un pare feu qui aide à soumettre au champ des débats libres les insinuations et autres pollutions par lesquels les courants religieux imposent des opinions en dehors de la bataille des idées sans laquelle aucun libre arbitre ne peut être construit en connaissance de cause. La narration restitue quelques repères essentiels à la saine compréhension des processus constitutifs des diverses tendances qui s’emploient à répandre leur doxa dans le monde.
Le wahhabisme, le salafisme et le khomeynisme sont trois doctrines apparues au milieu du XXième siècle et qui se disputent aujourd’hui les sociétés transformées en champ de bataille. L’auteur relate comment, avec les années, ces trois courants extrémistes ont radicalement bouleversé les sociétés dans les États du sud avant d’atteindre des pans entiers des pays du nord pour des considérations, à la fois, politiques, économiques et géostratégiques mais dont, au fond, la finalité est de prendre revanche sur une histoire du monde à laquelle le radicalisme islamiste estime devoir infliger sa suprématie.
Ferid Racim Chikhi qui analyse les dégâts provoqués par l’islamisme dans les pays d’origine explique qu’en empêchant les sociétés de progresser vers la voie démocratique, on creuse des écarts entre les communautés migrantes et la société d’accueil comme on peut le voir au Québec.
On comprend alors qu’en étouffant la démocratie dans les terres d’islam, le fondamentalisme investit objectivement dans une stratégie qui aliène les sujets chez eux et les conditionnent à porter le fer contre le monde des Infidèles le jour où les circonstances les y conduiront.
Ne voulant pas s’extérioriser du champ d’études, Ferid Chikhi qui s’immerge dans l’humus théologique, rappelle : « Les prophètes ont été les premiers à s’indigner et les premiers à désobéir aux ordres établis ». Cette citation a une vocation évidente : désarmer les propagandes islamistes qui accusent d’’islamophobie tous ceux qui critiquent la religion. Au Québec, plus qu’ailleurs, cette ruse qui relève d’une forme de terrorisme intellectuel a mis les politiciens et une partie non négligeable de l’opinion dans une position de prudence, ce qui amène à éviter toute critique de l’islam et sa pratique alors que les autres cultes sont soumis au tamis de la raison.
Cet interdit créé un climat dont l’impact est immédiat : l’islamisation, qui ne peut faire l’objet d’aucune remarque, est un sujet tabou, ce qui mécaniquement en facilite la propagation. L’ouvrage remonte la stratégie islamiste en en situant les origines de façon pragmatique. Le rappel de la citation de Youssef El-Qardaoui, le prédicateur égyptien installé au Qatar, pose les enjeux :
« Avec vos lois démocratiques (civiles), nous vous coloniserons. Avec nos lois islamiques (coraniques), nous vous dominerons ». L’islamisme n’est pas une tumeur bénigne alerte l’auteur.
En se positionnant comme connaisseur de l’islam et victime de l’islamisme, il met en évidence une singularité tirée d’un vécu qui a laissé des stigmates toujours visibles sur la société algérienne dont il est originaire. Les méthodes utilisées par les islamistes en occident sont identifiées en tant que déclinaisons de préceptes édictés par les tuteurs comme Al Qrardaoui. : « Cependant, la stratégie des islamistes, l’instrumentalisation de leurs femmes y compris, sait utiliser les insuffisances des législations et les lacunes des institutions ainsi qu’une certaine naïveté des agents de l’État et des employés du secteur parapublic », écrit Chikhi.
La femme voilée est devenue un objet de lutte, de polémique et de convoitise. Un atout majeur qu’on exhibe afin de mettre sur la défensive la société occidentale et ses dirigeants, tactique qui ouvre la voie à d’autres exigences communautaires.
Autre fait relevé dans l’essai et qui est en train de faire son apparition également au Québec : la relation contre nature des islamistes avec la gauche qui en devient un précieux relais politique et médiatique. En perte de vitesse dans un monde dont elle n’a pas anticipé les évolutions, la gauche québécoise tente de reconstituer une base sociale et électorale autour du fondamentalisme.
L’auteur qui a longtemps suivi les méandres institutionnels de son pays d’accueil dévoile une inclination autrement plus inquiétante puisque la dérive ne concerne plus un courant politique mais des institutions. Ferid Racim Chikhi signale une tentation qui gagne de plus en plus de terrain : des communautés étrangères auxquelles est proposée une intégration fondée sur la religion plutôt que la citoyenneté. L’avertissement à un Québec dont la tolérance vire quelques fois au laxisme est clair : l’islam politique aura de beaux jours devant lui si on continue à le nier en tant que menace majeure pour l’ordre démocratique ou si l’on perpétue le déni en réduisant les dérives de ses promoteurs à des incartades folkloriques. Ferid Chikhi parle au migrant comme au Québécois.
Il rappelle les leçons d’autres acteurs tout en les liant pour leur donner le continuum nécessaire à la perception d’un péril qui se répand dans le temps et l’espace avec méthode et minutie. En citant deux érudits de réputation mondiale Soheib Bencheikh qui été la cible des islamistes et Mohamed Arkoun, l’Algérien qui a été chassé par l’Égyptien El-Kardaoui d’une conférence sur l’islam organisée à Alger en 1980, il en appelle à la mémoire pour nourrir l’espoir. Et d’autres esprits comme Ghaleb Bencheikh, Malek Chebel et Naïma Dib qui ont porté la parole de vérité sont également invoqués pour que leurs pensées soient additionnées comme des pierres qui construisent la maison de la raison. Un travail long qu’il faut entreprendre avec solidarité et patience car il s’agit de faire naitre la citoyenneté dans un espace musulman livré à la rancœur, au populisme et à la démagogie.
Ferid Racim Chikhi qui assume son engagement nous délivre un message : évitons d’être naïfs ou polémistes ; soyons clairs car on n’a pas trouvé mieux que la laïcité pour protéger l’homme des dégâts de la confiscation du culte.*Mahfoudh Messaoudene, journaliste.*Ferid Racim Chikhi, analyste senior, Groupe d’études et de réflexions Méditerranée Amérique du Nord (GERMAN).Fenêtres Sur l’islam Ses musulmans Ses IslamistesÉdité à compte d’auteur chez Bouquinbechttps://boutique.bouquinbec.ca/fenetres-sur-l-islam-ses…269 pages = 29$Can
Entrevue avec l’auteur.1)
Cela fait vingt ans que vous êtes installé au Québec avec votre famille. Qu’est-ce qui vous amené à rejoindre AQNAL ?Depuis que j’ai quitté l’Algérie, via l’Allemagne, j’avais pris la résolution de me tenir éloigné de la militance et du monde politique. Mais, comme on dit : Tu chasses le naturel il revient au Galop. En fait, l’association québécoise des Nord-africains pour la laïcité a été créée spontanément en 2012, en raison du vide face aux islamistes qui, dès 2008, se sont manifestés pour parler au nom de tous les musulmans du Québec.
Ça m’a irrité au point que je suis revenu sur le terrain de la militance pour œuvrer en faveur de la laïcité.En 2011, je suis intervenu, comme simple citoyen, à la commission des institutions de l’Assemblée nationale pour attirer l’attention des élus sur le phénomène islamiste qui germait dans la province et notamment à Montréal. Mais mis à part quelques-uns, les autres se sont montrés intéressés mais restés inactifs. En 2012, le gouvernement de Mme Marois a tenté de baliser les ‘’accommodements raisonnables’’ qui allaient vite devenir ‘’déraisonnables’’ le halal, le yajouz, le haram sont devenus des concepts utilisés ici et là, notamment dans les quartiers à forte concentration de musulmans. Des débats, des conférences, des manifestations ont été organisés et c’était avec satisfaction que j’ai constaté que ce n’étaient pas tous les Québécois qui étaient favorables aux quelques islamistes qui, aidés de certains médias, faisaient dans la provocation. Les Québécois, savent que lorsque la religion prend trop de place des pans entiers de la population y perdent leur raison. Pendant plus d’un demi-siècle ils ont déconfessionnalisé l’éducation nationale et la politique sans que la tradition judéo-chrétienne ne perde ses repères mais voici que les islamistes font parler d’eux à grands coups de publicité victimaire culpabilisant au passage les Québécois et toute la société d’accueil.
En 2012, lors d’une conférence sur la laïcité, nous étions nombreux venus d’Algérie, du Maroc, d’Égypte, de Tunisie et de France (Franco-Algériens, Franco-Marocains, Franco-Tunisiens, etc…) à avoir exprimé nos inquiétudes contre les agissements des groupes islamistes. C’est là que l’idée d’une association regroupant au départ une centaine de personnes est mise en place et avec un petit groupe nous avons évoqué l’appellation de Nord-Africains pour nous démarquer de Maghrébins avec la connotation que nous lui connaissons. Très vite nous conquîmes des espaces d’échanges pour nous exprimer et faire part de nos expériences passées à lutter contre l’intégrisme. Nous sommes vite devenus, je dirais incontournables pour tout ce qui concerne la laïcité.
2) Avez-vous constaté des différences dans la façon d’intégration selon l’origine des citoyens issus des 3 pays d’Afrique du Nord.Il faut juste préciser qu’au Québec, nous comptons quatre pays de l’Afrique du Nord : L’Algérie, l’Égypte, et le Maroc et la Tunisie. Les différences dans la façon de s’intégrer dépendent des individus et de leurs approches de la société d’accueil. Cela dépend aussi de leur propre communauté. Qu’ils soient Algériens, Marocains, Égyptiens ou Tunisiens ; il y a ceux qui se démarquent par leur éducation, leur instruction, leur sociabilité. Il est vrai que presque tous les Nord-Africains arrivés au Québec sont très instruits, ils ont une bonne culture, je dirais, ‘’internationale’’, d’autres diront, universelle. Ils ont étudié en français et maitrisent parfaitement l’arabe et un grand nombre maitrise aussi l’anglais. Il y a ceux qui sont venus au Canada et s’intègrent comme Canadiens ; il y a ceux qui sont venus au Québec, tout en étant citoyens Canadiens et préfèrent vivre en français. Cependant, ceux qui se sont regroupés dans ce qui est qualifié de Petit Maghreb, il est évident que le poids de leurs pays d’origine est prégnant. Ils vivent ‘’l’incertitude dans la certitude communautariste’’. Il faut juste savoir que presque tous les Nord-Africains ont l’esprit entrepreneurial; s’ils ne sont pas employés dans les entreprises québécoises et canadiennes, s’ils ne sont pas dans l’enseignement ou la santé, ils ont créé leurs commerces et leurs entreprises et ils en vivent bien. Toutefois, ils ne partagent pas toutes les valeurs québécoises. À mon humble avis cela relève de la crainte de perdre les leurs.
3) Depuis quand avez-vous pensé ce livre ?Au départ, vers la fin des années 2000, je ne pensais qu’à rédiger quelques articles que je publiais, ici et là, sur des journaux électroniques comme le Huffington post Québec. Par la suite en 2016, quelques-unes de mes réflexions ont été reproduites partiellement par, à titre indicatif, ‘’Le Courrier International‘’, notamment celui intitulé : Pourquoi les musulmans ne parlent pas ? https://www.courrierinternational.com/…/vu-du-canada…Cet article a par la suite, été repris intégralement dans un livre collectifhttps://boutique.courrierinternational.com/…/livre-l…C’est en 2017, que l’idée de me lancer dans l’écriture de cet essai a émergé et s’est très vite concrétisée.
4) En avez-vous des échos si oui quels en est la nature. Absolument, au Québec, plusieurs de ceux qui l’ont lu m’ont fait part, par écrit, de leur satisfaction et presque tous m’ont dit ce qu’ils avaient appris comme différence entre Islam et Islamisme ou sur les pratiques des différents rites qui font la diversité au sein de l’Islam, les pratiques sociales de l’Islam de l’Asie et celui de l’Afrique du Nord. 5) Avez-vous noté une volonté de transmettre une mémoire des pays d’origine des parents vers les enfants ? Y a-t-il d’autres référents que le religieux dans cette mémoire ? Lorsqu’il s’agit d’un écrit qui devient public, il y a forcément une histoire, une mémoire, un pan du patrimoine qui sont transférés à ceux qui lisent. Mais, il faut reconnaitre que contrairement aux Québécois, aux Canadiens, aux Nord-Américains et même aux Européens pour qui le livre fait partie des instruments de transfert du savoir et de la connaissance, les lecteurs Nord-Africains restent dans l’oralité. Quelques lecteurs algériens qui l’ont lu m’ont fait part de leurs impressions très positives mêmes s’ils en connaissent des pans entiers. Ils ont eu plaisir à lire quelques-unes de mes réflexions, surtout le chapitre sur Karn Arba’tache. Et pour la seconde partie de votre question, il y a bien entendu d’autres référents que le religieux dans cette mémoire. Prenez note que pour la transmission de l’histoire et du patrimoine algérien, des parents vers les enfants, nous avons avec un groupe de compatriotes qui créé un Écomusée de l’Algérie. Il prend petit à petit forme. Nous le destinons d’abord à la communauté algérienne du Québec et bien entendu aux Québécois. Mais, il n’est pas exclu qu’une extension soit envisagée avec nos frères Tunisiens et Marocains, notamment en raison du partage civilisationnel de Tamazgha. Source : ADN MED / 19 Avril 2022
Zemmour n’est pas une exclusivité française La Mecque et sa zone sont interdites aux non-musulmans. Un non-musulman ne pouvait pas avoir la nationalité algérienne aux premières années de l’indépendance. C’est-à-dire un Algérien ne pouvait l’être que s’il avait une ascendance musulmane, pas algérienne.
La guerre d’indépendance est depuis peu sournoisement expurgée de sa pluralité confessionnelle et politique, réduite à une croisade rétrospective, musulmane, badissia novembria : les non-musulmans n’y ont plus place dans les imaginaires. Et un ex-ministre des Affaires religieuses l’avait bien rappelé : “Un Algérien ne peut être que musulman.” D’ailleurs, un étranger ne peut pas acheter des biens en Algérie. Se marier avec une non-musulmane ? Il faut se convertir. Réciter la profession de foi, devant plusieurs témoins, un imam et attendre le surréaliste certificat de conversion.
La solidarité avec les #Subsahariens qui sont noirs justement avant d’être des humains ? Les Subsahariens aux ronds-points l’ont bien compris : il faut se voiler pour les femmes, brandir le chapelet ou le Coran pour les hommes et invoquer Dieu pour attendrir les solidarités sélectives au nom de la confession.
Un cimetière ou un temple bouddhiste en Algérie ou au Maghreb ? Jamais ! Mais on salue la mosquée nouvelle comme un acquis communautaire des nôtres en Occident. En Algérie, ce courant malheureux est là. On lui fait face autant qu’on peut, des générosités essayent de contrer ce côté sombre, des âmes existent, mais le mal aussi.
Peu à peu, à cause d’une école sinistrée, du manque de voyages et de rencontres, de la faillite de l’altérité, de la mainmise des féodalités sur les mentalités, d’un retour au Moyen-Âge au nom de la religion, de l’enfermement sur soi et de l’obsession des frontières, de la Religion du dé-colonial permanent, quelque chose de maladif a pris le dessus sur l’Algérie d’autrefois.
Pour certains, aujourd’hui, l’Algérie, c’est pour les Algériens dans la pureté religieuse, révolutionnaire, familiale, de vertu ou d’ascendance : le reste de l’humanité est constitué de gens trop pauvres pour être intéressants, ou de colonisateurs prédateurs même s’ils sont Danois ou Sibériens, et il faut les incriminer même pour nos poubelles qui débordent dans nos rues.
Pour certains, nos affections et nos solidarités théoriques vont aux musulmans, “arabes”, ou aux identitaires de la même région, et pas au Rohingyas, par exemple. Ces derniers sont trop abstraits, donc pas assez musulmans. Et puis, les Chinois sont nos “amis” et donc leurs musulmans peuvent être réduits en poudre de lait, ils n’apitoieront personne ! La conception de la solidarité, pour certains d’entre nous, chez nous, c’est de la rancune retournée contre l’Occident, c’est du postcolonial par l’affect et, avec les #Rohingyas, il n’y a pas d’affect, ni de parenté, ni de jalousie, ni d’aigreur : les Chinois peuvent les “évaporer”, cela ne fera pas bouger un turban ou un olivier.Et encore ? Certains, chez nous, trouvent scandaleux (et le dénoncent à grands cris) que l’Europe soit solidaire avec les réfugiés ukrainiens et pas avec ceux de Palestine, d’Irak ou d’autres pays décédés. “Quelle honte ! Voilà l’Occident nu !” crient-ils.
Procès juste, mais avec une raison qui ne l’est pas. On y ressent de la rancune masquée d’indignation, l’exploitation enfiévrée d’une occasion de se faire le contempteur de l’Occident enfin pris en défaut. L’occasion, trop bonne aussi, de faire oublier que nous faisons de même, que nos solidarités sont tout aussi sélectives et que nous aurions dû commencer aussi par juger nos propres “sélections” : ne sommes-nous pas aussi, sinon plus sélectifs ?
Qu’a-t-on trouvé à dire lorsque la Turquie vidait ses quartiers des réfugiés syriens ou qu’Erdogan usait des réfugiés comme d’une monnaie internationale pour les convertir en armes démographiques contre l’Europe ? Qu’avons-nous dit lorsque les Syriens trouvaient refuge en Allemagne, pas en Arabie et ses principautés de la région, pourtant tout aussi riches ?
Qu’avons-nous apporté au million de Libyens ayant fui l’effondrement de leur pays et devenus SDF en Tunisie ? Des voix se sont-elles élevées pour crier au scandale de la sélection humanitaire “arabe” qui les ignorait ? Ou le métier de “scandalisé professionnel” ne peut viser que l’Occident ? Combien de Libyens avons-nous nourris à nos tables ? D’Irakiens ? De Somaliens ? De Maliens ? Pourquoi crie-t-on au scandale si une certaine Europe réagit par l’affect sélectif aux Ukrainiens et ne trouve-t-on rien à dire si la Panarabie idéalisée sélectionne son émotion selon la confession ou la parenté raciale ou autres, selon la dechra d’origine et l’ancêtre idéalisé ?
Pourquoi les pourfendeurs de l’Occident chez nous ne se sont-ils pas émus alors ? Des “Noirs” sont entassés dans des camions et reconduits aux frontières du Sud comme des criquets déchaussés ?
Oui, mais la loi médiatique veut que pour que ce soit un scandale, il faut que les camions soient européens, l’expulsion occidentale. Ce n’est un scandale que lorsque c’est l’Occident qui commet le crime de reconduction…Racisme, régionalisme, suprématisme identitaire, féodalisme, ségrégation religieuse, éloge des racines confessionnelles, refus d’accueillir, rejet des migrants noirs, interdictions diverses, judéophobie et complicité dans la théorie de la pureté “historique”. Ce sont aussi nos maladies honteuses, et pas seulement de l’Occident.
Zemmour n’est pas un produit local français, c’est un état d’esprit qui se retrouve ailleurs, chez nous, en nous parfois. Des millions de #Zemmour sont donc à dénoncer au “sud” du monde, là où le victimaire, le décolonisable ou le racisme confessionnel les dédouanent presque de leur monstruosité.
L’auteur l’avait écrit et le répète : Zemmour est “Algérien” dans ce qu’il y a de pire en nous, pas dans ce qu’il y a de meilleur en nous, et le meilleur existe aussi. C’est que nous sommes, souvent, lui : nos solidarités sont souvent sélectives, nos penchants vers le proche selon la religion ou l’histoire ou la racine, nos territoires sont interdits aux altérités et aux pluralités, nous refoulons les migrants, nous refusons de porter la misère du monde, nous avons une vision de l’identité par la suprématie, nos pitiés sont élitistes, nous pensons d’abord à nous et pas aux Subsahariens ou autres, nous hurlons aux scandales des colonisations nouvelles ou des répressions internationales selon des choix et pas selon l’humanité, nous sommes souvent racistes et même entre nous, entre deux régions, deux villes, deux quartiers et même deux frères ou sœurs.
Tout cela est une partie de nous, notre ombre majeure, nos défauts que nous voulons ignorer dans le déni ou avec cet affect du postcolonial qui ramène tout à la France ou à la colonisation. Et c’est cependant le chemin de la guérison et de la construction de l’intime et de l’universel, de la puissance confiante. Sans reconnaître nos pires défauts, nous serions encore à crier que c’est la faute des autres, et de l’Occident, et de la colonisation. Zemmour ? C’est ce qu’il faut vite guérir en nous avant de faire le procès des autres. #Kamel_Daoud / Liberté Dz (L’autre Algerie) / 24 Mars 2022https://www.liberte-algerie.com/…/zemmour-nest-pas-une…#Racisme / #régionalisme / #suprématisme_identitaire / #féodalisme / #ségrégation_religieuse / #Algérie
Chaque année en France, 10.000 policiers sont-ils blessés en service ? 25 à 30 blessés par jour. Détail des chiffres
« Attaquer les policiers c’est notre seule façon de riposter ! Ils nous prennent dans les caves, ils nous mettent des claques. Alors à qui voulez-vous que l’on se plaigne ? Ils sont attaqués avec des mortiers, et encore c’est gentil ! »
2°) La solution :
Créer des «zones sans contrôles d’identité» ? Plus une police aussi désarmée que possible pour qu’elle inspire le respect »
Fawzia Zouari, écrivaine, journaliste tunisienne, docteur en littérature française et comparée de la Sorbonne, a publié cet article ras-le-bol dans Jeune Afrique
Il y a des jours où je regrette d’être née arabe. Les jours où je me réveille devant le spectacle de gueules hirsutes prêtes à massacrer au nom d’Allah et où je m’endors avec le bruit des explosions diffusées sur fond de versets coraniques. Les jours où je regarde les cadavres joncher les rues de Bagdad ou de Beyrouth par la faute des kamikazes ; où des cheikhs manchots et aveugles s’arrogent le droit d’émettre des fatwas parce qu’ils sont pleins comme des outres de haine et de sang ; où je vois des petites filles, les unes courir protéger de leur corps leur mère qu’on lapide, et les autres revêtir la robe de mariée à l’âge de 9 ans.
Et puis ces jours où j’entends des mamans chrétiennes confier en sanglotant que leur progéniture convertie à l’islam refuse de les toucher sous prétexte qu’elles sont impures. Quand j’entends pleurer ce père musulman parce qu’il ne sait pas pourquoi son garçon est allé se faire tuer en Syrie. À l’heure où celui-ci parade dans les faubourgs d’Alep, kalachnikov en bandoulière, en attendant de se repaître d’une gamine venue de la banlieue de Tunis ou de Londres, à qui l’on a fait croire que le viol est un laissez-passer pour le paradis.
Ces jours où je vois les Bill Gates dépenser leur argent pour les petits Africains et les François Pinault pour les artistes de leur continent, tandis que les cheikhs du Golfe dilapident leur fortune dans les casinos et les maisons de charme et qu’il ne vient pas à l’idée des nababs du Maghreb de penser au chômeur qui crève la faim, au poète qui vit en clandestin, à l’artiste qui n’a pas de quoi s’acheter un pinceau. Et tous ces croyants qui se prennent pour les inventeurs de la poudre alors qu’ils ne savent pas nouer une cravate, et je ne parle pas de leur incapacité à fabriquer une tablette ou une voiture. Les mêmes qui dénombrent les miracles de la science dans le Coran et sont dénués du plus petit savoir capable de faire reculer les maladies. Non ! L’Occident, ces prêcheurs pleins d’arrogance le vomissent, bien qu’ils ne puissent se passer de ses portables, de ses médicaments, de ses progrès en tous genres.
Et la cacophonie de ces « révolutions » qui tombent entre des mains obscurantistes comme le fruit de l’arbre. Ces islamistes qui parlent de démocratie et n’en croient pas un mot, qui clament le respect des femmes et les traitent en esclaves. Et ces gourdes qui se voilent et se courbent au lieu de flairer le piège, qui revendiquent le statut de coépouse, de complémentaire, de moins que rien ! Et ces « niqabées » qui, en Europe, prennent un malin plaisir à choquer le bon Gaulois ou le bon Belge comme si c’était une prouesse de sortir en scaphandrier ! Comme si c’était une manière de grandir l’islam que de le présenter dans ses atours les plus rétrogrades.
Ces jours, enfin, où je cherche le salut et ne le trouve nulle part, même pas auprès d’une élite intellectuelle arabe qui sévit sur les antennes et ignore le terrain, qui vitupère le jour et finit dans les bars la nuit, qui parle principes et se vend pour une poignée de dollars, qui fait du bruit et qui ne sert à rien !